Mardi 19 mars 2024

 

Le Net

 

 

L'affaire fait grand bruit à Périgueux. Trois salariées de l'association « SOS Femmes Dordogne » viennent d'être licenciées pour « faute lourde » suite à des propos sur Facebook, jugés « injurieux, diffamatoires et menaçants ». En retour, les trois travailleuses sociales ont déposé plainte pour « interception de communication et violation de la vie privée par atteinte à des informations intimes et privées figurant dans leur zone privée de Facebook ». Elles ont saisi les Prud'hommes de Périgueux pour licenciement abusif. L'audience de conciliation qui s'est déroulée cette semaine n'a pas abouti et le dossier sera étudié sur le fond le 14 mars prochain. « Nous avons découvert les propos que l'on nous reproche lors d'une convocation au commissariat. On aurait parlé de conne, de sale pute, d'envie de meurtre… D'une part, cela ne concernait absolument pas les membres de l'association. D'autre part, il y a eu des rapprochements de conversations sur plusieurs jours, avec des propos totalement détournés de leur contexte. Il n'y a aucun nom de cité… » déclare Patricia Vaccara, l'une des trois jeunes femmes.

Des pages privées...

« La seule phrase liée au travail que je reconnais est que nous subissions du harcèlement et que le directeur voulait nous pousser à la démission », ajoute-t-elle. « Avant même de s'interroger sur la véracité ou la fausseté des propos, il convient de savoir si l'interception de ces soi-disant écrits est légale ou même simplement recevable » souligne leur avocat Me Éric Barateau. « Nos pages Facebook étaient en principe réservées à nos amis directs, pas aux amis de nos amis. Il s'agissait donc de pages privées », précise Patricia Vaccara. À 41 ans, mère célibataire de 3 enfants, elle se retrouve aujourd'hui comme ses ex-collègues dans une situation matérielle et morale très difficile. « Je travaillais comme éducatrice d'internat depuis 11 ans dans ce centre d'accueil pour femmes victimes de violences conjugales. Les difficultés ont commencé avec un changement de direction en mars dernier. Les femmes accueillies se plaignaient de ne plus être écoutées. Nous sommes intervenues pour les défendre. On a voulu se débarrasser de nous » accuse-t-elle. Le conseil d'administration, présidé par l'adjointe au maire de Périgueux, n'a pas souhaité s'exprimer.


« La e-réputation en plein essor »

Me Mathieu Prud'Homme. Avocat. Directeur du département Internet contentieux Alain Bensoussan Avocats.

Assistera-t-on dans un futur proche à une multiplication de ces affaires ?

Les entreprises sont de plus en plus attentives à ce que leurs collaborateurs diffusent sur les réseaux sociaux, et les dossiers se multiplient. Il existe à présent des prestataires spécialisés dans ce que l'on appelle la e-réputation. Ils collectent et gèrent les informations qui circulent sur l'entreprise tant du côté clients que du côté des salariés.

Les consultations des réseaux sociaux sont-ils, de fait, une pratique courante utilisée par les employeurs pour surveiller leurs employés ?

La tendance se développe. Une charte vient d'être récemment signée par les cabinets de recruteurs pour mieux cadrer les interventions et éviter que la sélection des candidats ne s'opère sur des critères d'ordre personnel ou privé. Le droit du travail est clair : quand on traite les données des salariés on doit les informer, de même que les représentants du personnel. Enfin, on ne peut agir en dehors des règles définies par la Cnil (ndlr : Commission nationale informatique et libertés).

Quelle défense les salariés sont-ils en mesure de produire ?

Bien paramétrer son mur Facebook et bien choisir ses amis (rires), au-delà, ne pas oublier que l'on est responsable de ce que l'on fait. Si tout le monde peut accéder à votre page, c'est que vous en avez autorisé le libre accès. Tout internaute devrait aussi savoir que l'anonymat est impossible sur la toile. Toute adresse IP (ndlr : identifiant pour chaque ordinateur connecté à internet) conduit inexorablement vers l'abonné.

Quelles sont les précautions à prendre pour se garder de toute dérive ?

Si la liberté d'expression est bien sûr le principe, elle connaît des limites (diffamation, injure, etc.). De plus, le salarié a un devoir de loyauté envers l'entreprise. S'il estime que son employeur ne respecte pas les règles du jeu et son contrat de travail, ce n'est pas en l'insultant sur internet que les choses vont s'arranger. Les Prud'hommes sont là pour régler les litiges.


Le chiffre : 3e

facebook > Un pays ?. A titre de comparaison, si Facebook était un pays, il serait le troisième plus peuplé du monde, après la Chine et l'Inde, mais devant les Etats-Unis.

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Quand les entreprises espionnent leurs salariés sur le réseau social

Mars 2008. Sur leur ordinateur personnel, chez eux, deux salariés du Groupe Michelin évoquent leurs conditions de travail, « un travail de bagnard » et notamment « leur salaire qui ne correspondait pas selon eux au travail fourni ».

Décembre 2008. Trois salariés d'Alten leader européen en ingénierie se connectent sur Facebook. Au fil de la discussion, ils émettent des critiques à l'égard de la hiérarchie. Malheureusement pour eux, un de leurs « amis » sur Facebook transmet leur conversation à la direction. Quelques semaines plus tard, l'entreprise licencie ces trois salariés « pour incitation à la rébellion » et « dénigrement de l'entreprise ». A ce jour, l'affaire a été renvoyée sine die par les Prud'hommes.

29 avril 2009. Une utilisatrice de Facebook est licenciée en Suisse pour avoir utilisé le réseau social pendant son congé maladie.

Mars 2010. Chelsea Taylor, 16 ans, éclate en sanglots lorsqu'en se connectant sur le site Facebook, elle découvre un message indiquant que son employeur la renvoyait. La jeune fille occupait un emploi-étudiant dans un café de Manchester.

Septembre 2010. Trois salariées de l'association SOS Femmes en Dordogne sont été licenciées pour propos injurieux tenus lors d'une conversation sur le réseau social.

 

 Jeu en ligne

 

http://facebook-danger.com/


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